Dans l’Antiquité, les acteurs jouaient derrière un masque, appelé  » Persona » ( Latin « personnare » parler à travers ). On peut aussi se référer à la Persona de  Karl Jung.

Il est aussi intéressant de se reporter aux travaux de Jean-Jacques Charbonier qui nous parle de la Conscience intuitive extra-neuronale – ou quand la science ouvre une porte sur l’Esprit.

Il s’agit du masque auquel on finit par s’identifier au point d’en oublier la véritable..personne, celle qui se cache derrière le masque et qui est l’Être réel. On voit, en passant, comment le mot de « persona » a dérivé jusqu’à prendre le sens de personne, ce qui est une aberration. Mais, acceptons malgré tout ce vocable qui a pris un sens fallacieux au cours des âges, sous la poussée de philosophies déspiritualisées, pour employer un néologisme de mon crû. Pour le Matérialisme, il n’y a plus deux entités superposés, mais seulement un Individu agissant, mû par des mécanismes sociaux, économiques, culturels.

En parlant de la Persona, mon activité actuelle m’amène à constater que la plupart des gens se limitent à l’aspect matériel, physique de leur existence (conf. plus haut )  : le corps ( ou Ego ) vécu comme une machine biologique avec les biens que ce même corps possède,  le tout créant un écran opaque d’illusions. Hors, quand on traverse cet écran, on découvre un Être, animé d’une vie intense, faite de rêves, d’espoirs mais on découvre aussi une vie souvent dramatique, faite de remords, de résignations et d’appels au secours. Cependant, on a rarement le temps et la volonté de s’engager dans une introspection qui nous amène à traverser l’écran – opaque – de nos illusions. On se retranche derrière le Masque.

Au delà de cet écran, se trouve notre Être réel, telle une source souterraine dont le courant impétueux n’est plus malheureusement  qu’un petit ruisseau, à l’arrivée, après avoir été filtré par notre Ego, en deça de l’écran.  Il y a des personnes qui passeront leur vie à aimer, à désirer être aimé,  sans jamais arriver à l’extérioriser et qui mourront dans un silence insupportable. La source de l’Esprit – c’est de lui dont il s’agit – se perd dans les méandres de la vie quotidienne et ce qui était un rêve fait de beauté et d’innocence finit dans la mélancolie d’un avenir désespérant ( Poème de Antoine Pol, Musique de G.Brassens ). Ce texte illustre avec talent ce processus de mise en veilleuse des appels de l’Esprit.  C’est là que l’on passe à côté de son propre destin. Ôtez le masque, vous verrez…

En fait, il me  semble que nous ayons deux vies, non pas complètement distinctes, mais reliées l’une à l’autre de manière souvent chaotique, anarchique. Une vie- donc – que l’on peut qualifier de « matérielle » et une vie plus intime, que l’on qualifie de « spirituelle ». Ce mot n’est pas satisfaisant car il évoque quelque chose de religieux. La vie intérieure, souvent secrète, n’a rien de religieux. Elle est grandement animée par notre Esprit, ce qui est vague, car en fait nous sommes d’abord et avant tout un Esprit, lequel est  forcément le nôtre… Nous sommes des Esprits uniques incarnés, faisant l’expérience de cette vie terrestre, par le biais du Corps qui lui est fait de chair.

Pour rester sur scène…Il est possible d’opérer la fusion consciente de ces deux « entités » Corps et Esprit. Cela est communément appelé Eveil. Je préfère le mot de Réveil… Souvent, on me demande ce qu’est l’Eveil. J’ai une image assez satisfaisante qui m’est venue pour l’expliquer : L’Eveil, c’est cet acteur qui joue un rôle sur scène, qui s’identifie à son personnage, interprète son texte et qui soudain se rappelle qu’il a oublié de fermer le gaz en partant de chez lui…Les exemples sont nombreux, mais l’image de l’acteur me semble la plus évocatrice.  Persona oblige ! La différence est que dans la vraie vie, contrairement à l’acteur, nous interprétons un personnage sans en avoir conscience, sans l’avoir choisi ! Mais c’est bel et bien un personnage, un rôle. Il nous arrive à tous, par moments, de nous rendre compte de l’incongruité d’une situation et de ressentir que nous sommes dans la peau de quelqu’un qui agit dans le cadre de cette situation, en ressentant les choses avec distanciation et presque comme un étranger ! Cette sensation se produit souvent quand nous affaiblissons notre Ego lors de libations un peu trop poussées, par exemple… Je ne vous engage pas à boire immodérément, mais un état d’ébriété léger nous déconnecte souvent de notre personnage ou Ego et c’est là une expérience intéressante que beaucoup d’entre nous ont expérimentée… Nous sommes très loin du religieux ! Et pourtant, voilà un exemple instructif. Il existe bien entendu d’autres voies pour prendre conscience de ce phénomène de dissociation Personne/Personnage, par la méditation et autres exercices issus de différentes traditions.  La question fondamentale n’est pas d’acquérir un savoir particulier supplémentaire, de rajouter encore et encore du savoir pour déclencher ce réveil, mais en fait, d’enlever tout ce qui nous gêne et nous alourdit, tout ce qui épaissit notre Ego, y compris la dite destruction de l’Ego et autres contorsions nombrilistes…

En fait, ce que j’ai trouvé de mieux dissoudre l’écran de brume qui cache mon Être réel, c’est  : Être libre de penser comme je l’entends, sans pressions, sans préjugés, me libérant de la « Pression Sociale ». Voir, entendre et regarder sans idées préconçues, prendre les choses pour ce qu’elles sont, sans fards ni détours, et ne pas me mentir à moi-même. Être hors « culture » et surtout ne pas me parler intérieurement !!!  C’et alors que l’écran se dissout  peu à peu et que j’apparais à Moi-même, laissant à mon Ego son rôle stricte de personnage évoluant dans ce que Balzac appelait la Comédie Humaine ! Nous revoilà sur scène…

Je comprends enfin Qui je suis, sans pour autant mettre un nom sur ce que je nomme – faute de mieux – mon Être réel. Je SUIS. Point. Je peux penser sans mots. J’ai la compréhension directe de ce qui m’entoure. Se taire intérieurement n’empêche pas d’exister et d’être conscient. Ne vous inquiétez pas, malgré le silence intérieur, la vie continue et on respire toujours !  Cela n’empêche pas d’avoir mal aux dents ! Le Corps est toujours là et, comme l’écrivait un moine Bouddhiste ayant enfin atteint l’Eveil : J’ai toujours mon nom et c’est bien pratique, car quand on m’appelle, je sais que c’est moi… 😉

J’ajouterais pour finir, qu’il est préférable de ne pas chercher l’Eveil à tous prix, comme un but en soi ! C’est la meilleure manière de ne jamais y arriver ! L’Eveil n’est pas un but, c’est un moyen.

Entre nous, le premier pas pour nous ouvrir la porte à nous-mêmes entant qu’Être réel, de se défaire du Masque, c’est de s’ouvrir à l’humour et à la Poésie, laquelle est étonnamment  combattue de nos jours, comme si elle représentait un danger, celui de nous ouvrir cette  porte vers la liberté de l’Esprit, ce qui, avouons le, contrecarre les menés asservissantes des marchands d’illusions pour le bénéfice desquels nous naissons et mourrons. En un mot, pour reprendre ce que j’écris plus haut, soyez libres et…ne comptez jamais sur personne pour voir à votre place ! Explorez la vie avec vos yeux, pas avec ceux des autres !

C’est alors que vous vous réveillerez !